lundi 2 décembre 2013

Dis-moi ce que tu jettes…

À la fois drôle et tragique, palpitant et sensible, virtuose dans sa forme et porté par un suspense narratif original, Ma déchetterie est un roman qui frappe l’imagination : quand sa lecture est terminée, on en garde un souvenir clair, fort et troublant.

déchetterieL’auteur, Simon Maringe, est un nouveau venu dans le monde des lettres : Ma déchetterie est son premier roman. Mais la quatrième de couverture nous indique qu’il s’agit là d’un pseudonyme cachant un « professeur dans une université belge francophone ». Or, plusieurs noms de lieu, çà et là dans le roman, comme « Grivegnée » ou « Vaux-sous-Chèvremont », désignent clairement la région liégeoise. Il est dès lors légitime de penser que l’université belge en question doit être l’Université de Liège. Si cette déduction est juste (et, faut-il le dire, certains bruits de couloir sont de nature à la confirmer), notre institution doit se flatter de compter en son sein pareil écrivain : Ma déchetterie est, en effet, une vraie réussite.

Le sujet de ce roman est dérisoire en apparence : l’action se déroule dans un de ces lieux qu’en Belgique, nous appelons « un parc à conteneurs » et qui se nomme en France « une déchetterie ». Georges Martens, le personnage principal, qui est aussi le narrateur, passe ses journées dans la déchetterie de Sart-Moiret à laquelle il est profondément attaché. Il croit se rendre utile auprès de ceux qui y travaillent, alors que, plus que probablement, il joue la mouche du coche. Jour après jour, été comme hiver, il observe le comportement des citoyens qui se débarrassent d’objets qu’ils ont, pourtant, un jour achetés de leur plein gré. Martens est à la fois un paumé et un homme méthodique, de sorte que ses pensées rappellent parfois celles des personnages de Beckett, par exemple de Molloy. Aussi rit-on souvent en lisant ces pages, qui vont jusqu’au bout d’une logique absurde. Cependant, au fur et à mesure que le récit progresse, le rire laisse la place à diverses émotions : peur, pitié, effroi. La seconde partie du roman, moins humoristique, s’apparente en effet à une forme de thriller, une lente descente aux enfers qui comporte plusieurs rebondissements, que je vais me garder de dévoiler ici.

Mais les émotions suscitées par le récit, pour être fortes, ne sont jamais simples : elles demeurent toujours ambivalentes. C’est que le lecteur n’est pas amené à s’identifier à Georges Martens : il le suit à distance ; il s’intéresse à lui et il explore dans son sillage une forme de folie douce, qui risque de devenir de la folie furieuse.

suite de l'article sur culture belgique

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