En équipement de plongée ou en tenue de plage, mains protégées par des gants, hommes, femmes et enfants se sont mués samedi en « éboueurs de la mer » sur une plage de l’est d’Alger jonchée de déchets.
Sur la plage de Tamentfoust, qui borde une petite cité balnéaire à une trentaine de km du centre de la capitale algérienne, des centaines de bénévoles, venus seuls ou en famille, ont ratissé la zone, remplissant leurs sacs de bouteilles, canettes, sachets plastiques et autres détritus échoués sur le sable.
Selon une étude réalisée en 2015 par des chercheurs de l’Université de Cadiz (Espagne), la mer Méditerranée contient entre 1.000 et 3.000 tonnes de déchets plastiques, soit un déchet tous les 4 km².
L’opération de samedi, qui s’étend à 14 wilayas (préfectures) côtières d’Alger, a aussi vu une trentaine de plongeurs se jeter à l’eau pour nettoyer les fonds marins, vêtus de combinaisons et bouteilles d’oxygène sur le dos.
Râteau et sac rempli de déchets à la main, Assia Laoubi, éducatrice âgée d’une quarantaine d’années, dit venir régulièrement depuis six ans pour « nettoyer la plage, une action profitable à tous ».
Venue elle pour la première fois, une magistrate d’Alger a abandonné l’hermine et la solennité du tribunal pour se joindre, en short aux couleurs chatoyantes et baskets, aux autres bénévoles.
Cette femme qui a souhaité conserver l’anonymat a tenu à accompagner ses nièces pour les sensibiliser à la protection de l’environnement, explique-t-elle.
La côte algérienne, longue de plus de 1.600 km, draine chaque année des millions d’estivants. Mais de nombreuses plages sont interdites à la baignade à cause de la pollution, notamment liée aux égouts qui se déversent directement dans la mer ou aux rejets de produits chimiques de certains sites industriels.
La baie d’Alger n’échappe pas à ce fléau. Si bien que les autorités algériennes ont lancé en 2014 un projet de 400 millions d’euros pour permettre notamment la dépollution du fleuve Oued El Harrach, dont les eaux usées souillent la zone. Il devrait être achevé en 2029.
– Pneus, cuvettes et frigo –
« J’habite à côté d’une plage mais je dois faire des dizaines de kilomètres pour emmener mes enfants nager », se plaint un bénévole, riverain de la plage du Kadous (est d’Alger).
« Si les entreprises industrielles éliminaient leurs déchets selon les normes, une grande partie de la pollution du littoral serait réglée », estime Aomar Khaber, directeur général du Commissariat national du littoral (CNL). « L’environnement n’est pas seulement l’affaire de l’État, c’est l’affaire de tous. »
L’aventure de ces « éboueurs de la mer » a débuté en 1993, en pleine guerre civile algérienne, à l’initiative de huit jeunes plongeurs écologistes de Tamentfoust, appelée La Pérouse du temps de la colonisation française, un nom encore utilisé par les Algérois.
« Tout a commencé par une vache découverte échouée sur la plage » pour une raison mystérieuse, se souvient Younes Aouda, un des huit plongeurs ayant lancé l’opération via l’association Récifs (RECherches, Informations, Formations Subaquatiques), à la fois école de plongée, centre de recherche et organisation de défense de l’environnement.
Au fil des années se sont joints à Récifs la radio publique algérienne et des dizaines d’autres associations. Depuis 2010, l’opération est nationale et des tonnes de déchets, parfois insolites, sont extraits du sable ou de la mer.
Mehdi, célèbre animateur de la radio publique Chaîne-3, anime depuis 12 ans une émission spéciale en direct à l’occasion de ce « rendez-vous annuel avec les détritus », comme il le qualifie.
Il se rappelle de quelques découvertes étonnantes: « Pneus, cuvettes de W.C, une baignoire, un frigo, une robe avec son tutu, … »
Durant l’émission, « l’accent est mis sur la sensibilisation » des estivants, déjà nombreux sur les plages en ce début d’été, « en espérant qu’ils ne laissent pas leurs détritus derrière eux en fin de journée », explique l’animateur.
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